[SON] Bonjour à tous, et bienvenue dans cette nouvelle vidéo. Nous allons maintenant nous intéresser à un défi colossal : la croissance démographique, et surtout la croissance des villes. Sommes-nous capables de relever ce défi, ou la planète va-t-elle se couvrir de bidonvilles? Ce n'est pas une question de science-fiction. Depuis 2008, la moitié de la population mondiale, donc presque 4 milliards de personnes, vit dans des villes. Et en 2050, les urbains seront 6,4 milliards, soit les deux tiers de l'humanité. Or la concentration de population sur un espace restreint pose de nombreux problèmes. Les plus importants dans le monde sont les problèmes d'eau et de déchets qu'il faut traiter. N'oublions pas que l'eau sale, c'est-à -dire le problème d'assainissement, est la première cause de mortalité dans le monde : elle tue dix fois plus que les guerres. Quant aux déchets, ils sont le fléau des bidonvilles : un milliard de personnes vit dans des bidonvilles, et ils seront deux milliards en 2030. Outre l'eau et les déchets, les grandes agglomérations sont un défi pour les transports. Les embouteillages sont une puissante source de pollution atmosphérique et de gaz à effet de serre. Et n'oublions pas que fondamentalement, l'urbanisation empiète toujours plus sur des terres agricoles et naturelles. En France par exemple, l'équivalent d'un département disparaît tous les dix ans. De nombreux travaux se sont intéressés aux liens entre densité urbaine et gaz à effet de serre. L'étude pionnière fut celle de Newman et de Kenworthy en 1989, qui établit une corrélation positive entre l'étalement urbain et la consommation d'énergie. En d'autres termes, comme vous le voyez, plus une ville est dense, comme Hong Kong, plus elle est économe en énergie, et plus elle est étalée, comme Houston, plus elle est énergivore. Cette étude concluait donc qu'il fallait densifier les villes, ce que la plupart des pays, tout particulièrement la France, tentent de faire depuis les années 80. De nombreux travaux ont affiné ces conclusions. L'agence européenne pour l'environnement a listé trois avantages et trois inconvénients à la densification par rapport à l'étalement urbain. Commençons par les inconvénients : l'urbanisation est coûteuse pour le particulier. Elle entraîne un surcoût du terrain au mètre carré de 15 à 30%. Elle augmente également le coût des services publics locaux. Et elle est un facteur de congestion, donc de pollution de l'air. Quels sont les avantages? Les réseaux urbains, par exemple les réseaux d'eau, de transports, ou de déchets, sont moins chers. La pression sur les espaces agricoles est moindre. Et surtout, la consommation d'énergie, donc les émissions de gaz à effet de serre, sont moindres. Vous le voyez, tous les avantages peuvent l'emporter sur les inconvénients, si nous sommes capables de construire des villes doublement intelligentes. Des villes intelligentes dans leur conception. C'est-à -dire des villes où les lieux d'habitation et d'emploi sont regroupés pour éviter les déplacements. Des villes où les espaces verts sont implantés afin de capter la pollution. Des villes où des quartiers pourraient partager, par exemple, des toits solaires et des voitures électriques. Des villes dont les logements seraient économes en énergie, et même producteurs d'énergie renouvelable. Au-delà d'une conception intelligente, une ville durable est dotée de réseaux intelligents, c'est-à -dire des réseaux de transports, des réseaux d'eau, des réseaux d'énergie, ou encore des réseaux de déchets. Cette question des réseaux est un défi considérable, que l'OCDE évalue à 71 000 milliards de dollars. En d'autres termes, nous devrions, d'ici 2030, consacrer 3,5 % du PIB mondial à la construction d'infrastructures de transport, d'eau, d'électricité pour les futures villes. Pourquoi avons-nous besoin de réseaux intelligents? Des débats regorgent de réseaux intelligents, de villes intelligentes, d'objets connectés, de smarts grids, comme solutions au défi écologique. Mais concrètement, de quoi s'agit-il? Le smart grid est un réseau qui permet de faire circuler l'information, non seulement du producteur au consommateur, mais du consommateur au producteur. Un réseau qui permet de gérer, et d'adapter en permanence, de manière très très fine, le système. Pourquoi avons-nous besoin de réseaux intelligents? Comme nous l'avons vu précédemment, la grande difficulté, pour les réseaux électriques, est la pointe de consommation, c'est-à -dire le moment de la journée où tout le monde allume son chauffage, ou sa télévision en même temps. Il en est de même pour les déplacements dans les zones urbaines. Comme vous le voyez, les embouteillages sont systématiquement aux mêmes heures. Ces pointes sont des sources très importantes de pollution. Les pointes de consommation d'électricité sont souvent couvertes par la mise en marche de centrales au charbon, c'est-à -dire l'énergie la plus polluante. La congestion urbaine est une source très importante de pollution de l'air et de gaz à effet de serre. Dans un embouteillage, la consommation d'un véhicule de gamme moyenne peut doubler par rapport à une circulation fluide. Mais au-delà de ces importantes variations de la demande d'énergie, des réseaux intelligents peuvent gérer la grande variation de la production d'énergie liée aux énergies renouvelables. Prenons quelques exemples : dans la journée, quand les voitures électriques sont stationnées, c'est-à -dire pendant environ 95% de leur temps, elles peuvent stocker l'énergie solaire produite par les panneaux solaires. La nuit, elles peuvent restituer une partie de cette énergie sur le réseau. Autre exemple : pendant les pointes de consommation d'énergie, des systèmes de gestion du réseau peuvent arrêter pendant quelques secondes, voire quelques minutes, votre ballon d'eau chaude. Ils limitent ainsi la pointe. Autre exemple: à Singapour, une autorité unique des transports gère l'ensemble des déplacements, qu'ils soient privés ou publics. Elle peut ainsi calculer votre temps de parcours, et vous proposer différentes solutions, qui vont du transport public au covoiturage. Les smart grids comme solutions aux variations de la demande d'énergie. Comme nous le voyons sur ce graphique, ces smarts grids sont une solution à la gestion de la pointe d'énergie, et une solution écologique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et nous pouvons répéter ce schéma pour l'optimisation de la gestion d'eau, ou encore l'optimisation de la gestion des déchets. Par exemple, un réfrigérateur intelligent peut vous avertir quand la date de péremption de vos yaourts approche, ce qui limite le gaspillage alimentaire. Les smarts grids sont également un atout économique : le marché mondial des réseaux électriques intelligents est estimé à 30 milliards d'euros, avec une croissance annuelle de plus de 10%. En France, la filière pense doubler en cinq ans son chiffre d'affaire, pour atteindre 6 milliards et 25 000 emplois. Bien évidemment, il y a une contrepartie. La contrepartie est que ce réseau intelligent communique en permanence des informations très personnelles : vos déplacements, vos heures de consommation d'énergie, la nature même de votre consommation d'énergie. L'interconnexion totale des réseaux et des objets, que ce soit votre voiture, votre chauffage, votre réfrigérateur, posera des questions éthiques quant à la protection de la vie privée. Pour nous résumer, l'avenir est à une forte croissance urbaine mondiale, ce peut être un atout écologique si nous savons, d'une part, imaginer un urbanisme intelligent, et d'autre part, implanter des réseaux intelligents. La contrepartie est une réflexion très intense sur la protection de la vie privée. Et je vous remercie.