[SON] Dans cette première session, nous allons voir ce qu'il faut avoir préparé. Nous allons insister sur ce qu'une structure et ses dirigeants doivent et peuvent anticiper pour renforcer l'organisation et la prise de décision dans l'incertitude. Il n'existe aucune vérité ni aucune certitude. En pilotage de crise, chaque crise est singulière, brutale et déstructurante. En revanche, c'est l'exigence de la préparation qui apporte la sérénité, la confiance individuelle et collective, puis l'autonomie indispensable. De ce cheminement collectif va naître la performance et la quête d'un sens malgré la crise. Cette préparation assure une stabilité par rapport à des évènements crisogènes, qu'ils soient extrinsèques ou intrinsèques, et qui viennent s'entrechoquer. Cette préparation concerne aussi bien l'aspect organisationnel, technique, qu'évidemment humain. La préparation n'est pas synonyme de prévention parfaite du risque. Le risque et la crise sont étroitement liés, et malheureusement, il n'existe aucune planification ni aucune procédure qui puisse garantir un pilotage facile. Rédiger des plans à la réponse de crise a pour intérêt principal de préparer des équipes, de travailler des automatismes et de maîtriser des techniques, mais il faut surtout se préparer à faire face à l'inconnu et être capable d'inventer une réponse agile dans l'incertitude. Pour cela, il est important de renforcer humainement ses équipes. C'est un volet souvent sous-estimé dans la préparation. Dans la crise, il est bien démontré que les facteurs humains sont aussi bien la clé de la réussite que malheureusement souvent responsables de la majoration des effets de la crise. On peut citer Les décisions absurdes de Christian Morel. Pour préparer sa structure à piloter des crises, il est essentiel d'anticiper l'organisation de crise. On parle volontiers de cellule de crise. Il existe de très, très nombreux exemples de cellules de crises ou de postes de commandement, mais une entreprise doit se créer ses propres outils. Pour cela, la cartographie de la cellule de crise s'anticipe. Comme nous le verrons dans la session 2, il ne faut surtout pas rigidifier votre organisation à l'avance. Il est donc important de créer des structures simples et agiles. Elle doit respecter des règles simples. Il y a trois niveaux de pilotage. Le niveau stratégique, c'est le plus haut niveau. Il est constitué des dirigeants, et comme son nom l'indique, il se concentre et se limite à la stratégie et à la vision à long terme. Il fixe le cadre, et en cas de crise, il fixe le nouveau cadre, avec une vision sur la sortie de crise. Il se base, par exemple, sur les plans de continuité, ou des plans de reprise d'activités. Le niveau tactique, c'est le niveau des experts dans le commandement de crise. On y construit le raisonnement tactique en fonction de la stratégie. Ce niveau traduit la stratégie en conduite des opérations. Il n'est pas en charge de l'opérationnel, ce qui lui confère une capacité d'analyse et surtout d'anticipation et de correction des erreurs. Enfin, le troisième niveau, le niveau opérationnel, c'est le terrain. Il doit connaître sa ou ses missions par rapport aux objectifs. Pour être efficace malgré le stress, il doit travailler dans la sérénité et la confiance. Il est donc important qu'il dispose d'une véritable autonomie. Il respecte, en revanche, les tactiques proposées tout en gardant une capacité de correction et d'adaptation immédiates en fonction de son propre retour terrain. Il est en revanche important qu'il soit la source d'information pour les niveaux supérieurs, les niveaux tactique et stratégique, afin de faire évoluer l'analyse comme la détection précoce des failles. On le comprendra aisément, il est constitué d'opérationnel et sera piloté, en cas de crise, plus par des leaders que par des chefs. Dans toutes ces cellules, il est important de limiter le nombre des acteurs. Il est important d'imposer non pas un ordre vertical mais une discipline collective. Ne viennent dans les cellules de crise qu'uniquement les personnes utiles et autorisées. On dit souvent que le nombre idéal ne doit pas dépasser sept acteurs par cellule. On peut comprendre donc l'intérêt, dans certaines crises importantes, de créer plusieurs cellules autonomes et complémentaires, comme ce fut, par exemple, le cas à l'Assistance publique hôpitaux de Paris lors de la crise COVID. On peut créer des cellules : communication, innovation, moyens, et bien d'autres. Dans chaque cellule, on recherche les compétences et la légitimité propres à la mission. On ne doit pas intégrer des acteurs par titre ou par grade, mais par une vraie légitimité opérationnelle. Au-delà de l'organigramme structurel des cellules, il est important d'avoir aussi anticipé la cartographie humaine des équipes. Celle-ci doit encore une fois faire preuve d'adaptabilité. Pour cela, les niveaux stratégique et tactique doivent savoir s'appuyer sur des leaders de terrain qui fédèrent les équipes au-delà de la simple exécution des tâches, mais chacun doit parfaitement respecter son périmètre d'intervention. Si on fait de la stratégie, on ne fait pas de la conduite des opérations, et inversement. Ne pas s'occuper de regarder ce que fait le voisin, souvent malheureusement par curiosité, car cela complexifie, et surtout, cela n'apporte aucune confiance nécessaire à l'agilité du pilotage de crise. En revanche, si l'on invite un acteur à réfléchir totalement hors cadre, il se doit d'être en capacité de proposer des solutions selon des fiches de poste bien définies. Il doit travailler sur la fluidité et la simplification. La communication interne dans une organisation de crise doit être aussi préparée. Une cellule de crise ne travaille bien que dans la sérénité. Le bruit de fond parasite est l'ennemi absolu. En revanche, il est indispensable d'avoir anticipé les canaux de communication. L'information doit être fluide entre chaque cellule et surtout entre les trois niveaux : stratégique, tactique et opérationnel. Il faut penser, évidemment, à l'information descendante comme à l'information montante, en évitant si possible les croisements. Cette communication doit aussi intégrer l'après crise, car elle va servir de base de travail pour construire les retours d'expérience. Sur le plan technique, les procédures ou les plans trop rigides ou trop complexes n'auront aucun intérêt en situation de crise. Ils seront les premiers à disparaître face à l'agressivité de la crise, et pire, ils viendront freiner la capacité d'analyse et de décision. Il faut donc privilégier le choc de simplification. Plus la criticité est forte, plus la simplification s'impose. Comme nous l'avons déjà expliqué, pour augmenter l'agilité et la fluidité, on peut travailler en petites cellules autonomes et synergiques. Il existe un intérêt à préparer plusieurs cellules. Là encore, chaque crise est différente. Il ne faut surtout pas rigidifier ou paramétrer arbitrairement votre organisation. Ces cellules seront mises en place en fonction d'une demande stratégique. Il existe de nombreux exemples de cellules qui appuient la conduite des opérations à proprement parler. Il existe néanmoins, selon Patrick Lagadec, une constante, et c'est l'importance de proposer une force de réflexion rapide. On peut parler de cellule anticipation ou de cellule détection des failles. Elle doit être autonome, détachée du terrain et sans rôle opérationnel. Elle a pour vocation d'aider le niveau stratégique en proposant une analyse décalée hors sol. Elle aide à détecter des failles, à regarder dans les angles morts et à stimuler l'innovation. La préparation au pilotage de crise ne se limite pas à l'organisation structurelle et technique. Comme nous l'avons évoqué, la préparation humaine des équipes est indispensable. Elle a pour vocation de créer de la confiance et de limiter les risques liés aux facteurs humains. Mais ce point est tellement important qu'il ne peut se résumer à un sous-chapitre. En conclusion de cette première session, on peut affirmer que la crise correspond au cygne noir, tel que le définit Nassim Taleb, et donc, on ne peut pas tout anticiper. En revanche, nous avons l'obligation de nous y préparer avec exigence en gardant parfaitement à l'esprit que nous serons face à l'inconnu. Cette exigence, elle doit être à la fois structurelle, technique et humaine. Nous aborderons dans la vidéo suivante l'importance de la prise de décision sous stress, ce qui permettra de jeter des pistes de réflexion sur l'amélioration dans la préparation des équipes. [AUDIO_VIDE]