Dans la deuxième session, nous allons voir comment nous lancer réellement dans le pilotage de crise et dans la prise de décision. Avec la session 2 arrive la brutalité et l'agressivité d'une crise telle que nous l'avons définie. Alors, pour ne pas la subir mais apprendre à piloter dans un environnement complexe, nous allons traiter la réponse de manière chronologique. Dans un premier temps, insister sur le temps de la page blanche. En effet, avant d'agir, dans un premier temps, il est indispensable d'accepter la crise. Ne pas se précipiter est un signe de sagesse par rapport à la réalité d'une situation. On parle volontiers de page blanche. Elle correspond souvent à la phase initiale de chaos. Même pour des organismes très expérimentés et entraînés comme le RAID ou le GIGN, cette acceptation est, au contraire, cultivée pour mieux s'adapter, et répond plus efficacement à la situation. Ne pas se précipiter mais profiter du temps chaotique pour accepter la crise, qu'est-ce que cela veut dire? Il faut aussi bien accepter d'être mis en difficulté sur le plan organisationnel, technique et humain. Cette humilité initiale permettra de répondre de manière adaptée et efficace. Il est important que les acteurs du pilotage de crise ne se jettent pas corps et âme dans l'effet tunnel, en tout cas le plus tard possible, car c'est extrêmement difficile ensuite de faire marche arrière. Sur le plan organisationnel, on peut parfaitement comprendre ce que cette page blanche veut dire. On parlait dans la session 1 de l'organisation des cellules de crise. Cette page blanche permet justement de se poser les bonnes questions. Loin des certitudes et d'une trop grande confiance dans les plans ou les process, se poser des questions comme : Qu'est-ce que je n'ai pas compris? Qu'est-ce qui différencie cette crise de situations connues? Cette page blanche, sur le plan organisationnel, doit être le temps pour adapter la réponse à l'analyse. Le raisonnement tactique ne doit pas débuter avant ce temps d'analyse et d'acceptation de la crise. Évidemment, des organisations parfaitement entraînées auront la capacité de réduire ce temps de brouillard au minimum. Néanmoins, il doit exister car il est bénéfique au pilotage de crise : savoir prendre ses forces. Sur le plan humain, cette page blanche est le temps d'acceptation des émotions. Du niveau stratégique au niveau opérationnel, on ne parle pas forcément des mêmes émotions, mais l'ensemble des acteurs doivent accepter cette notion. Comme l'explique Damasio dans L'Erreur de Descartes : pas d'émotions, pas de décisions. Et dans notre sujet, nous avons évidemment besoin d'acteurs capables de prendre des décisions, même les plus difficiles. En revanche, une fois cette acceptation réalisée, il est important de repasser par un mode cognitif en activant le cerveau préfrontal, et limiter les effets de l'amygdale, centre de l'émotion. Il existe, par exemple, pour cela des formations inspirées de la prise en charge de traumatismes violents comme le protocole 6C développé par Tsahal, et il existe d'autres formations. Tout cela revient à accepter un temps plus long que l'urgence de la situation voudrait le faire croire. Ce temps doit être profitable pour les acteurs, et en aucun cas synonyme d'angoisse. Il est en revanche important d'anticiper ces notions auprès des gouvernances. Ensuite vient le temps de l'action. Après le temps de calme dont on a parlé, on doit de manière assurée et volontaire rentrer dans la phase de l'action. C'est le révélateur des compétences à proprement parler du pilotage de crise. Les premières attitudes, les premières décisions marqueront durablement les équipes et les partenaires. Nous allons donc aborder plusieurs outils qui aideront les dirigeants et les leaders à guider leurs équipes. Le circuit court de la prise de décision permet d'acquérir une méthode. L'objectif n'est pas uniquement la capacité à prendre une décision plus ou moins rationnelle, dans le cadre de la crise, ça va être difficile, mais ce qui est important c'est d'arriver à prendre une décision qui va dynamiser un collectif, le rassurer et le guider dans l'incertitude. Ce circuit court tient compte du ressenti collectif et des émotions collectives pour valider sa pertinence. Il introduit aussi en permanence une évaluation objective afin de rapidement être capable de corriger. Si on regarde ce qui existe par exemple du côté des Crew Ressources Management, plus connues sous l'acronyme CRM, ils permettent de limiter les risques humains dans des organismes dits à haute fiabilité, les HRO comme l'aviation civile, le nucléaire, les sous-marins. Elle porte sur une maîtrise collective des facteurs humains comme la compréhension des règles et/ou la communication. Elle limite certains biais cognitifs. Ils sont adaptables à tous types d'organismes, à condition de créer sa propre cartographie des risques et son propre CRM. Maintenant, nous allons parler de la méthodologie du raisonnement tactique. C'est un processus très utile dans les cellules de crise afin de clarifier la situation, les objectifs, et de prioriser les actions à mener. Ce sont des choses très utilisées, en particulier dans les postes de commandement militaire, pompiers, police. En partant d'une analyse situationnelle, on fixe des objectifs, des actions et des acteurs de la manière la plus simple et la plus précise possible. Le tableau de raisonnement tactique permet aux décideurs d'avoir en permanence une vision opérationnelle, et de savoir exactement qui fait quoi et comment. Il est important, en revanche, de créer aussi des outils de contrôle des tâches, afin de pouvoir suivre l'évolution et de s'adapter en permanence. En conclusion, il faut arriver dans les meilleures conditions, avec une préparation optimale en cellule de crise, maîtriser ses outils et son organisation, pour ensuite être capable de se concentrer sur l'humain. [AUDIO_VIDE]