[SON] Les six étapes sur la construction du sens, qui résultent de notre lecture des travaux de Weick, constituent une définition processuelle de la résilience organisationnelle. Ce mouvement de construction organisationnelle s'intitule l'organizing. Il constitue le moyen par lequel l'entreprise se construit un portefeuille de réponses pour traiter des situations nouvelles. La résilience organisationnelle est un processus initié par l'effondrement du sens établi. En reprenant les éléments développés précédemment, la résilience organisationnelle peut se résumer par le schéma suivant. La première étape du processus de résilience organisationnelle réside dans la capacité d'un collectif à construire une explication du phénomène inconnu, ou tout du moins de nommer et qualifier ce phénomène pour s'entendre et le gérer ensemble. Il s'agit de construire une image partageable, et cela nécessite à la fois un travail de formulation et de normalisation. La deuxième étape est l'expérimentation de solutions bien souvent partielles, avec l'enjeu de les partager pour qu'elles constituent une forme de bibliothèque qui explique le phénomène en trouvant des bouts de solutions. Cela nécessite de nombreuses interactions entre les différentes parties prenantes car chacun a un bout du problème. La capacité de collective action est clé à ce moment-là du processus qui n'échappe pas à la concurrence politique et aux luttes d'ego. La troisième étape est celle qui stabilise les premiers résultats et les gains. Des chaînes causales émergent avec la promesse de solutions vues comme des gains entre des actions et des résultats. Les premières causalités productrices de gains participent à l'émergence d'un nouveau sens qui se propage et participent à la construction d'une nouvelle réalité d'action. La crise de la Covid-19 aurait pu plonger les organisations et les acteurs qui les composent dans ce que Weick appelle un incident cosmologique, à savoir un incident soudain et brutal au cours duquel les individus ont le sentiment que le monde rationnel s'effondre autour d'eux. Mais cela n'a pas été le cas pour bon nombre d'entreprises et de collectifs qui ont su s'adapter au contexte imposé par cette pandémie. PWC, dans son étude Global Crisis Survey 2021, met en avant trois résultats importants sur la période vécue en lien avec la crise de la Covid-19. 95 % des dirigeants affirment qu'ils doivent améliorer leurs capacités en gestion de crise. 80 % des entreprises ont modifié leur stratégie pour répondre à la pandémie de la Covid-19. 70 % des entreprises souhaitent investir pour augmenter leur résilience. Depuis des années, tous les séminaires et formations en management parlent de l'incertitude avec l'acronyme VUCA, Volatilité, Incertitude, Uncertainty en anglais, Complexité et Ambiguïté, pour caractériser l'environnement de travail et interroger les pratiques managériales. Un des principes tayloriens sur lequel nous fondons un certain nombre d'approches managériales est : le passé explique le présent et prévoit le futur. Cela vaut dans un environnement stable. Weick, en prenant comme terrain d'analyse des crises, a proposé une démarche par laquelle la réponse à la crise participe au développement de la résilience et constitue un processus organisationnel en lien avec nos environnements actuels qualifiés de VUCA. À titre pédagogique sur ce sujet, je vous invite à regarder le film Sully, qui retrace comment un équipage aérien a géré une situation de crise lors de l'arrêt des moteurs, avec un amerrissage sur le fleuve Hudson, aux États-Unis. Karl Emmanuel Weick parle d'évènement cosmologique, comme on l'a déjà dit, pour définir l'émergence de quelque chose non prévue et qui remet en cause l'ordre établi. Le sens partagé s'effondre ainsi que les moyens de reconstruire le sens. La crise de la Covid-19 est un évènement imprévu qui a mis les organisations en situation d'incertitude. La résilience, c'est savoir trouver des solutions à la crise, mais surtout d'utiliser ses vécus pour apprendre à gérer l'incertitude et en faire une compétence distinctive. Les entreprises, au travers de leur management, doivent se construire un savoir pour gérer l'incertitude, qui est liée au niveau de complexité de nos environnements, comme le mentionne Edgar Morin. De manière concrète, cela passe par le fait, premièrement, de comprendre que nous sommes en situation de crise et que les solutions anciennes ne sont pas adaptées, et, deuxièmement, de mettre en place des processus d'objectivation, d'expérimentation et de gain visibles. [AUDIO_VIDE]