[BRUIT] Bienvenue dans cette partie consacrée aux spécificités du pilotage de la performance en zone de turbulences. Nous reviendrons tout d'abord sur ce que l'on entend par pilotage de la performance. Puis, nous examinerons les caractéristiques du pilotage en période de forte incertitude. Enfin, nous évoquerons les modalités de pilotage en sortie de crise. De quoi parle-t-on exactement lorsqu'on évoque le pilotage de la performance? S'agit-il de la même chose que le contrôle de gestion? Est-ce uniquement du pilotage financier? Commençons par clarifier ce qu'est le pilotage de la performance. Le pilotage de la performance consiste à construire, mettre en place et mobiliser les outils, méthodes, et pratiques, qui permettent d'atteindre les objectifs de performance et de les suivre. C'est un processus dynamique qui vise à s'assurer que l'organisation et les actions menées contribuent à la réalisation de la stratégie de l'entreprise, et à aider à choisir les bonnes actions à mener. Le pilotage de la performance implique des outils, comme par exemple des tableaux de bord ou le budget, ou des systèmes d'information de gestion. Il comprend aussi des méthodes, comme les méthodes de réorganisation de processus, ou bien les systèmes d'incitation liés à la performance. Le pilotage de la performance inclut enfin des pratiques, comme les méthodes d'animation de gestion, pour utiliser les outils en adéquation avec la culture de l'organisation et son degré de décentralisation. Lorsque j'évoque ici la performance, je fais référence à la réalisation des objectifs organisationnels, quelle que soit la nature de ces objectifs. Il ne s'agit donc pas uniquement d'objectifs financiers. Cela peut être, ainsi, l'atteinte d'une position de leader sur le marché, la réussite d'une politique de recrutement ambitieuse, ou de parvenir à un niveau de qualité excellent. Annick Ancelin-Bourguignon a rappelé la polysémie du mot performance, et des représentations implicites qu'il véhicule dans les entreprises. Historiquement, la performance apparaît d'abord dans les univers de la mécanique et du sport. Cela a conduit à des référentiels différents dans les organisations. La métaphore mécanique renvoie à l'organisation comme une machine, et renforce la dimension rationnelle et utilitaire de la performance. L'image du sport renvoie à l'idée d'effort, de dépassement, de progrès, mais aussi de compétition, d'équité, de coopération. Annick Ancelin-Bourguignon en déduit que parler de pilotage de la performance valorise l'image du pilote, homme d'action qui conduit son engin à bon port. Le pilotage de la performance tient compte de l'environnement interne, mais c'est important aussi qu'il puisse donner de la visibilité sur l'environnement externe. Le système de pilotage doit permettre d'évaluer le positionnement de l'entreprise face à ses concurrents, d'analyser les forces en présence, qu'il s'agisse des fournisseurs ou des clients, et de détecter les grandes tendances de l'environnement externe. En particulier, comme nous le verrons ultérieurement, le pilotage n'est pas le même en période de décollage, lors du démarrage d'un domaine d'activité, en mode croisière, lorsque la visibilité sur l'environnement interne comme externe est bonne, et en zone de turbulences, lors d'une crise ou lors de fortes incertitudes dans l'évolution de l'environnement. Le pilotage n'est donc pas qu'une affaire de contrôleurs et de financiers, c'est l'affaire de tous les managers. Pour reprendre la définition de Philippe Lorino dans son livre Méthodes et pratiques de la performance : piloter, c'est définir et mettre en œuvre des méthodes qui permettent d'apprendre collectivement à agir ensemble de manière performante, mais également à agir ensemble de manière de plus en plus performante. Le pilotage de la performance relève d'abord des décideurs dans l'entreprise. Chaque manager, sur son périmètre de responsabilité, organise son pilotage avec l'aide des contrôleurs de gestion, lorsqu'il y en a dans cette entreprise. Les contrôleurs sont des experts du pilotage. Ils apportent leurs connaissances des outils, des méthodes et des pratiques pour construire le système le plus adapté au contexte de l'entreprise : sa stratégie, son organisation, sa culture, et l'environnement dans lequel elle évolue. Les contrôleurs de gestion aident également les managers à donner du sens aux informations reçues des systèmes de gestion ou des indicateurs des tableaux de bord, et aident les managers à les interpréter. Quel rôle le pilotage joue-t-il dans le fonctionnement de l'entreprise? Le pilotage est une boucle entre stratégie et opération. Piloter, c'est déployer la stratégie en règles d'actions opérationnelles. Cette première partie de la boucle apparaît évidente au manager, mais piloter, c'est aussi organiser et assurer un retour d'expérience qui permette de rester vigilant, d'être réactif, de capitaliser rapidement sur l'expérience acquise, et enfin, de devenir proactif, en anticipant au mieux les futures évolutions de l'environnement. Ce retour d'expérience est la deuxième partie de la boucle entre stratégie et opération. Elle est trop souvent négligée, les organisations ayant la tentation de vouloir aller plus rapidement sur la démarche stratégique suivante, sans prendre le temps du retour d'expérience. Pourtant, c'est ce retour d'expérience qui permet de tirer les enseignements des actions entreprises, et de mener une réflexion stratégique plus efficace. Toujours selon Philippe Lorino, le pilotage s'articule sur l'action, et pas sur les ressources. L'action consomme des ressources, bien sûr, mais c'est l'action qu'il s'agit de piloter. Le conducteur d'une voiture peut être attentif à sa consommation d'essence, et tenter de la maîtriser en adoptant un style de conduite, mais il surveillera aussi la route : il veillera à changer les vitesses, accélérer ou freiner, tourner son volant, c'est-à -dire réaliser des activités plutôt que de rester concentré sur le voyant d'essence qui baisse ; l'essence est une ressource et une contrainte, mais pas l'objet direct du pilotage. Tout comme les conducteurs, les managers pilotent des actions. Ce qu'ils cherchent à améliorer, ce sont des modes d'action. Considérer l'action comme pivot du pilotage est un changement de perspective comparé aux approches traditionnelles du contrôle de gestion, qui donnent la priorité au contrôle des ressources, notamment financières. Si l'on construit le système de pilotage dans cette logique stratégico-opérationnelle, de boucle entre la stratégie et les opérations, tous les responsables opérationnels sont mobilisés. Enfin, le pilotage ne repose pas uniquement sur des éléments financiers, orientés vers l'évaluation a posteriori de la performance et négligeant l'objectif d'aide à la décision et à l'action. Mettre l'action et les responsables opérationnels au cœur du pilotage est d'autant plus essentiel en période de forte incertitude. C'est ce que nous verrons dans la vidéo suivante. [AUDIO_VIDE]