[MUSIQUE] [MUSIQUE] En France, une partie importante de notre électricité vient de l'énergie nucléaire. Mais pourquoi parle-t-on d'énergie nucléaire et que se passe-t-il dans les centrales qui la produisent? Comme son nom l'indique, cette énergie vient bien du noyau atomique. Pour comprendre comment elle est produite, nous allons donc tout d'abord étudier quelques propriétés fondamentales de ce noyau. Un noyau atomique, c'est un édifice de quelques millionièmes de milliardième de mètre. Il est constitué de protons et de neutrons qu'on appelle globalement des nucléons, et qui s'attirent sous l'effet de l'interaction forte. Certains noyaux sont donc stables, et il faut fournir de l'énergie pour les casser ou leur arracher un nucléon. D'autres sont instables, et ils peuvent spontanément émettre des nucléons ou voir un de leurs nucléons changer de nature. Ce sont des désintégrations qui vont faire changer la nature du noyau. Il se désintégrera en un autre noyau, puis un autre, puis un autre, jusqu'à arriver à un noyau stable. Ces processus correspondent à différents types de radioactivité. Mais comment un noyau peut-il fournir de l'énergie? Commençons par la fission. Fissionner, cela veut dire étirer le noyau jusqu'à ce qu'il se sépare en deux morceaux. Mais étirer le noyau revient à éloigner les nucléons qui s'attirent par l'interaction forte, ce qui coûte donc de l'énergie. C'est ce qu'on appelle la barrière de fission. Comment franchir cette barrière? Il y a deux solutions : la traverser ou bien la surmonter. Traverser la barrière de fission correspond à la fission spontanée. Le noyau se débrouille tout seul pour franchir la barrière par un effet quantique rare appelé effet tunnel. C'est ce qui se passe en général dans la nature avec les noyaux radioactifs qui se désintègrent spontanément. Surmonter la barrière de fission implique par contre de donner de l'énergie au noyau. C'est ce qu'on appelle la fission induite. En ajoutant un neutron au noyau, ce dernier gagne de l'énergie. Soit le neutron est rapide et l'énergie cinétique du neutron permet de surmonter la barrière, soit le neutron est lent. Mais si le noyau a un nombre impair de neutrons, le neutron lent peut s'apparier avec un autre neutron. Les neutrons appariés sont liés de façon plus importante. L'arrivée du neutron lent libère alors une énergie qui permet de surmonter la barrière. Tous ces noyaux susceptibles de subir une fission sont dits fissiles, et ils ne sont pas si fréquents. Il existe une vingtaine de noyaux qui fissionnent spontanément, des dizaines capables de fissionner en absorbant des neutrons rapides, et cinq ou six pour des neutrons lents. Pourquoi fissionner un noyau produit-il de l'énergie? Chacun des noyaux issus de la fission a par construction moins de protons que le noyau père. Or, les protons se repoussent électriquement. Il sont donc plus liés car moins nombreux dans un fragment de fission que dans le noyau père. La différence d'énergie correspondante peut être dégagée lors de la fission. Ainsi, les noyaux aimants fissionnés ont beaucoup de protons. Ce sont des noyaux lourds comme l'uranium ou le thorium. Et comment produit-on des quantités macroscopiques d'énergie par fission? On utilise une réaction en chaîne. Prenons un paquet de noyaux fissiles. Lors de la fission induite par un premier neutron, le noyau se casse en deux fragments tout en émettant quelques neutrons. Ceux-ci induisent la fission d'autres noyaux fissiles, et ainsi de suite. Il faut bien contrôler le nombre de neutrons émis par fission ainsi que leur probabilité d'enclencher une fission induite, sinon la réaction en chaîne peut s'arrêter d'elle-même ou au contraire s'emballer. Les fragments de fission produits sont assez différents d'une fission à l'autre. Certains sont très radioactifs et sont donc produits en quantité macroscopique. Ils constituent ce qu'on appelle les déchets nucléaires. Passons au fonctionnement des réacteurs nucléaires. Les réacteurs actuels reposent sur la réaction en chaîne de la fission de l'uranium 235 induite par un neutron lent. C'est un noyau qui a bien un nombre impair de neutrons. Facile de faire une réaction en chaîne? Pas tout à fait. Les neutrons émis lors de la fission sont rapides, alors que les neutrons lents sont beaucoup plus efficaces pour déclencher la fission de noyaux lourds. L'astuce est de ralentir les neutrons entre leur émission lors d'une fission et leur capture lors de la fission suivante. On utilise pour cela un modérateur comme de l'eau qui permet de ralentir les neutrons. Les réacteurs actuels sont dits de génération III, et fonctionnent selon ce principe. Les réacteurs appelés EPR fonctionnent selon un principe similaire, mais avec plus de puissance. Les réacteurs de génération IV sont actuellement à l'étude et reposent sur un principe différent, utilisant un noyau plus abondant sur terre comme l'uranium 238. Ayant un nombre pair de neutrons, il ne fissionne pas lorsqu'il capture un neutron, mais il va engendrer un noyau fissile impair, ensuite utilisé pour produire de l'énergie. Les réacteurs nucléaires posent cependant deux problèmes principaux : le refroidissement et la production de déchets radioactifs. Le premier problème posé par les réacteurs nucléaires est celui du refroidissement. Les produits de fission sont radioactifs et se désintègrent en émettant de l'énergie. Même à l'arrêt, un réacteur continue donc à s'échauffer, et il faut le refroidir en permanence pour éviter que la température du cœur n'augmente de façon anormale. Le deuxième problème est le traitement des déchets radioactifs qui sont retraités puis stockés ; et comme certains restent radioactifs pendant de très longues périodes, leur stockage est une question compliquée. On étudie actuellement la possibilité d'irradier ces déchets avec un accélérateur spécialement conçu pour changer leur nombre de protons et/ou de neutrons et les transformer en déchets radioactifs de plus courte durée de vie. C'est ce qu'on appelle la transmutation. Nous avons parlé de fission, mais il existe une deuxième manière de produire de l'énergie avec des noyaux. C'est la fusion. Pour fusionner deux noyaux, il faut qu'ils surmontent la répulsion électrique entre protons, qui est la seule à se manifester lorsque les noyaux sont éloignés l'un de l'autre. Si l'on parvient à les rapprocher en leur donnant assez d'énergie, l'attraction nucléaire de courte portée s'enclenche alors. Les noyaux fusionnent et de l'énergie est émise. Il faut que les noyaux soient assez légers, et qu'ils ne comportent pas trop de protons. Il faut aussi que la densité des noyaux soit assez élevée, et la température assez forte pour que ces chocs de noyaux soient fréquents. Par exemple, le soleil parvient ainsi à fusionner son hydrogène pour produire des noyaux plus lourds comme l'hélium. C'est grâce à l'énergie ainsi produite que le soleil brille. Peut-on faire pareil sur terre? En fait, il s'avère plus simple de faire fusionner d'autres noyaux que l'hydrogène. On utilise le deutérium, un proton et un neutron ; et le tritium, un proton et deux neutrons, qui fusionnent pour donner un noyau d'hélium. Certains problèmes posés par les réacteurs à fission sont évités. La radioactivité liée à de telles réactions de fusion est beaucoup plus faible, et il n'y a pas de risque d'emballement du réacteur. Pour surmonter la répulsion des protons, on utilise de puissants lasers pour comprimer la matière à très haute densité et générer de la fusion. Mais on peut aussi viser des densités plus faibles et plus faciles à contrôler. Une méthode consiste à confiner les noyaux dans un anneau à l'aide d'un champ magnétique avec une densité et une température assez élevées. C'est le principe du Tokamak. Mais ces systèmes sont encore des prototypes complexes et instables. Jusqu'à présent, on n'a pu produire par fusion qu'une énergie de quelques mégawatts pendant une dizaine de secondes. Le projet ITER installé à Cadarache a pour but de produire 100 fois plus d'énergie pendant une dizaine de minutes, et c'est déjà un immense défi technologique. Si ITER est une réussite, on essaiera d'aller au-delà et d'imaginer un réacteur expérimental produisant pour la première fois plus d'énergie par fusion qu'il n'en consomme. Nous avons vu qu'il est possible de produire de l'énergie à partir de réactions nucléaires. Le réagencement des protons et des neutrons dans le noyau permet de libérer de l'énergie. La première est la fission de noyaux lourds spontanément ou par capture de neutrons. C'est en particulier la fission qui est utilisée dans les réacteurs nucléaires actuels grâce à des réactions en chaîne qu'il faut contrôler. Les produits de fission posent ensuite des difficultés de refroidissement et de stockage. Une autre approche est la fusion de noyaux légers. Elle se produit dans le soleil et des programmes de recherche étudient la possibilité de l'utiliser sur terre, pour un jour produire de l'énergie. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]