[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans le module précédent, vous avez appris comment le concept d'autisme a évolué au cours des années, et maintenant dans ce module nous souhaitions regarder un peu plus avec vous quels sont les signes et les symptômes nécessaires pour poser un diagnostic de TSA. Pour ceci nous avons quelques intervenants. Mais nous allons principalement être deux à vous accompagner dans ce parcours, et nous souhaitions d'abord nous présenter. >> Je m'appelle Martina Franchini et j'ai fait ma thèse en psychologie clinique dans le domaine de développement précoce des enfants avec un TSA. Ensuite je me suis spécialisée dans le domaine des bébés à risque pour un TSA, autant dans le développement très précoce et l'identification précoce des signes et des symptômes, que dans l'intervention précoce pour les bébés à risque. >> Et moi je m'appelle Marie Schaer, j'ai un parcours de recherche et un parcours clinique. Parcours de recherche dans les troubles du développement et en particulier dans l'imagerie cérébrale, et un parcours clinique comme pédopsychiatre avec une spécialisation dans le domaine de l'autisme. Je suis actuellement responsable du Centre de consultation spécialisée en autisme de Genève, et j'ai un poste, à côté de cela, de professeur à la Faculté de médecine de Genève. Pour commencer ce module sur les signes et symptômes de l'autisme, nous vous proposons d'aller rencontrer les premières personnes qui sont concernées par ceci, c'est-à -dire les familles. Et pour ça nous allons rencontrer une maman qui a eu la gentillesse d'accepter de partager avec nous son témoignage et son expérience, suite au diagnostic de son fils. >> Beaucoup de parents passent par un parcours difficile avant d'obtenir le diagnostic. La recherche a par exemple mis en évidence qu'il y a un grand décalage entre les premières inquiétudes des parents et le fait qu'ils arrivent à obtenir un diagnostic formel. Nous nous sommes ici intéressés à essayer de mieux comprendre ce parcours à travers les mots de ces familles. Nous rencontrons aujourd'hui la maman de Balian qui a reçu un diagnostic de TSA et qui est aussi mère de trois autres enfants. Madame, merci beaucoup d'être ici avec nous aujourd'hui. Combien de temps s'est passé entre ce qu'on peut dire les premières inquiétudes ou la première fois ou vous vous êtes demandée s'il y avait quelque chose de pas tout à fait typique dans le développement de Balian et le moment où vous avez vraiment entamé les démarches pour demander de l'aide? >> En fait s'est plus comme une marmite qui se remplit. Ces inquiétudes, j'en avais un peu, mais tous les enfants ont des périodes où on se dit, bon, ça va passer. Et puis même le généraliste disait, ça va venir. Et puis moi, c'est mon troisième, et je ne suis pas d'une nature inquiète rapidement. Et puis, il y a aussi dans le couple des éléments importants, c'est que parfois l'un s'inquiète et pas l'autre, du coup on dit, ne t'inquiète pas, ça va aller. Et puis inversement. C'est l'autre qui s'inquiète, et puis c'est le premier qui dit, ça va aller. Et puis vient un moment où on est tous les deux en phase, en se disant, oui, on va quand même faire le point. Et le pédiatre a marqué noir sur blanc que, oui, il y avait un retard moteur et que, oui, on allait faire un bilan psychomoteur. Et en fait, ça a été ma dernière étape puisque le soir-même j'avais le puzzle dans ma tête. Je connais un peu le développement de l'enfant puisque, de formation, je suis psychologue et qu'encore une fois c'était mon troisième enfant. Et en fait, du coup, le puzzle, la nuit, je l'avais, et cette nuit-là , moi, j'avais le diagnostic. >> Qu'avez-vous envie de transmettre aux parents qui se trouvent dans la même situation et qui attendent pour entamer les démarches pour un bilan diagnostique? >> Un jour à la fois. Je pense que n'attendez pas non plus d'avoir le diagnostic officiel, pour faire accompagner votre enfant auprès de professionnels de confiance, avec qui le feeling passe bien et où du coup votre enfant va pouvoir déjà commencer à progresser. Et puis, j'ai envie de dire, même si, au final, le diagnostic n'est pas là , ça n'est pas grave. Tous les accompagnements qu'on fait auprès des enfants c'est de toute façon toujours un plus, et puis le but c'est que l'enfant puisse capter au mieux son environnement, ses proches, ce qui se passe. Et en tant que parents, au départ, on ne sait pas ça, il faut qu'on nous l'apprenne. Parce qu'on fait parfaitement avec notre enfant mais, finalement, on utilise beaucoup d'énergie sur des temps où notre enfant en fait ne va pas en profiter. Donc le fait d'apprendre... Je remercierais toujours la première psychomotricienne de Balian d'avoir ouvert son bureau. Et moi, du coup, je pouvais être aux séances. Typiquement, elle le mettait dans une toupie et puis ils chantaient, et d'obtenir l'attention conjointe de l'enfant, d'obtenir son attention et à ce moment-là de chanter, c'est des choses qu'en tant que parents on ne va pas faire au départ. Évidemment qu'on chante à notre enfant, évidemment qu'on s'occupe de lui, mais en fait les moments où on est en lien, avec ces enfants-là , il n'y en a pas assez. >> Pour vous, si je peux me permettre de résumer, ce qui est extrêmement important dans ces démarches c'est de prendre conscience, et de pouvoir mettre en place, vraiment, des interventions qui soient directement utiles à l'enfant, pour qu'il puisse développer ses compétences? >> Oui, à l'enfant et à la famille. Parce que, quoi qu'il arrive, les professionnels, ça sera quelques heures dans la semaine. >> Qu'avez-vous envie de transmettre aux professionnels qui accompagnent les familles pendant ce moment? >> Ouvrez vos bureaux, laissez les parents être là , presque comme des stagiaires. C'est difficile pour un professionnel d'avoir une présence pendant qu'il travaille, je pense que c'est loin d'être simple, et puis que ça n'est pas orthodoxe, probablement, pour un certain nombre d'entre eux. Mais pour nous, en fait, quelle que soit la façon dont ça se passe, c'est une aide. Parce que dans un cas le professionnel a du mal à être en lien lui-même, quelque part ça nous fait du bien. Il n'y a pas que nous. [RIRES] C'est rassurant. Et puis, les petites techniques, quand le lien se fait, c'est aussi de se dire, ça aussi j'aime bien le faire. Et de voir comment il a fait, de pouvoir nous le refaire aussi, c'est super. >> Et par rapport au professionnel qui a à établir le diagnostic, est-ce que vous avez aussi quelque chose que vous souhaitez partager avec eux? Ils sont donc dans une posture différente des professionnels qui apportent de l'aide. >> Dites la vérité. Ne nous ménagez pas. Enfin, si, évidemment, mais appelez un chat, un chat. Je crois que ce qui m'a aidée c'est la pédiatre qui a écrit noir sur blanc, il y a un retard moteur. Alors que depuis des mois j'avais un généraliste qui disait, ne vous inquiétez pas, Madame, ça va passer, il va grandir. Oui, mais j'en ai déjà eu deux avant et ça n'est quand même pas pareil. Donc, nommer un chat, un chat. >> Merci Madame d'avoir partagé avec nous de manière si sincère tous ces éléments. >> [INAUDIBLE] >> Dans tout ce parcours, quelles ont été les difficultés qui vous ont poussés à vouloir mieux comprendre les difficultés de votre enfant? >> En fait on est allé à une visite annuelle chez la pédiatre, notre fils avait à peu près 14 mois, et c'est elle qui a identifié une première alerte, et elle a mentionné qu'il avait des stéréotypies, parce qu'il avait un retard de développement. Et c'est vrai qu'en y repensant après coup, quand il était petit, il regardait souvent sa main, il n'y avait pas de langage, il était en retard pour passer les étapes d'alimentation ou des choses comme ça. >> Donc il y avait un retard global et on a l'impression que la pédiatre a tiqué sur le fait qu'il n'y avait pas de langage du tout. Et puis nous aussi, c'était le signe on va dire le plus flagrant qu'il y avait un souci quelque part. Et aussi c'est vrai qu'on racontait aussi souvent des bizarreries quotidiennes au niveau sensoriel. Pleurer quand il y a un steak qui cuit, pleurer quand il y a une moto qui passe. Des choses qui étaient très présentes dans notre quotidien et qui nous semblaient vraiment étranges. >> Qu'est-ce qui s'est passé entre ces premières inquiétudes et le moment où vous avez reçu officiellement ce diagnostic? >> Les premières inquiétudes ça a été très dur déjà . Parce que la pédiatre pose beaucoup de questions et, en tant que parents, on voit un peu finalement, au fil des questions, là où elle veut en venir. Donc, c'est très violent, mais en même temps, quand on y pense maintenant, on la remercie infiniment d'avoir à ce moment-là posé ces questions, parce que ça nous a ouvert des petites lumières, et après on a pu se poser des questions de manière plus structurée. Après, c'est beaucoup d'étapes tout ça et... >> Donc oui, la première alerte c'est très dur. Je sais que je n'y ai pas cru tout de suite, il m'a fallu bien six mois avant d'accepter. [BRUIT] On a eu une première professionnelle qui nous a, qui a conforté on va dire les suspicions, et après il y a eu justement ce moment où on nous disait qu'il fallait vraiment attendre avant de dire que c'était vraiment de l'autisme, que l'autisme c'est un gros mot, qu'on n'est pas sûr, voilà . Et nous on s'est quand même renseigné par nous-mêmes, et on a vu que non, la recherche dit que on sait très précisément ce que c'est que l'autisme et qu'il faut intervenir tôt, donc ça nous a un peu aussi stressé d'avoir des discours où on nous dit qu'il faut attendre, et d'un autre côté on sait que c'est pas vrai, quoi. >> C'est vrai que votre témoignage va pouvoir toucher beaucoup de familles parce que beaucoup de familles vivent un parcours difficile en attente de ce diagnostic, qu'est-ce que vous avez envie de dire à ces familles en ce moment-là ? >> Déjà que nous on a attendu, pas tant que ça, mais dans le cas de notre fils, il était juste autiste. C'est un peu bizarre de dire ça, mais les signes étaient tellement flagrants qu'on pouvait pas passer à côté. Mais on voit plein d'autres familles, il y a des situations de développement de l'enfant qui sont tellement compliquées que on a du mal justement, d'avoir des professionnels qui savent bien faire la part des choses et bien, donc oui, je comprends qu'il y en a qui sont dans une errance diagnostique et moi je pense qu'en tout cas il faut vraiment chercher à savoir. C'est pas un diagnostic pour mettre une étiquette, mais c'est juste se dire, mon enfant il fonctionne comme ça, et maintenant que je sais qu'il fonctionne comme ça, je peux faire ça pour l'aider à progresser. C'est plus en ça que ça sert, un diagnostic. >> L'idée de pouvoir vraiment avoir une base pour pouvoir établir ensuite un projet. >> Oui. Ça déclenche beaucoup de choses. Par exemple, moi, une fois que je sais qu'il a ça, j'ai pu demander à mon travail d'avoir un jour par semaine de libre pour pouvoir l'accompagner à ses rendez-vous, tout simplement. Et puis on peut demander après une auxiliaire de vie pour l'école, etc. Donc c'est très important, en fait. Par contre, c'est très dur, donc il faut un petit temps pour le digérer. Mais il vaut peut-être mieux faire quelque chose, même si ça sert à rien, plutôt que de rien faire et de perdre du temps. >> En plus, c'est, enfin, on voit bien tout ce qu'on peut mettre en place au quotidien quand on se doute qu'il y a de l'autisme, ça fait jamais de mal de toute manière. Aider un enfant à bien se développer et à le stimuler de manière correcte, je dirais que ça fait du bien à tous les enfants donc s'il est autiste, on a fait le bon choix, et si l'enfant n'est pas autiste, il aura un développement meilleur. On verra après, quoi. >> Eh bien justement vous avez parlé avant des professionnels, qu'est-ce que vous avez envie de dire aux professionnels qui se trouvent à établir des diagnostics de TSA ou à faire face à des familles qui demandent ce diagnostic ou qui entrent dans ces démarches? >> Déjà , d'éviter les périodes trop longues d'attente, si je fais référence à quand on nous donne une première alerte, le temps pour aller voir une personne spécialisée, il parait éternel, donc il faut essayer de le raccourcir, même juste pour un premier rendez-vous, pour écouter, expliquer. Donc essayer de minimiser les attentes, les temps d'attente, et puis d'être franc et de dire la vérité. >> Madame est-ce que vous avez encore envie de partager quelque chose en message pour les professionnels? >> Moi je pense en tout cas que les professionnels soient bien conscients que c'est très important pour les parents de faire appel à eux et d'avoir des réponses, ce que disait mon mari, claires, et ils ont un rôle vraiment de guide, pour nous. C'est, ils nous expliquent des choses que nous on connaît pas et ensuite ils peuvent nous accompagner. Il y a autant l'accompagnement de l'enfant que des parents, je pense. >> Merci beaucoup, madame et monsieur, pour ce témoignage. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]